Le Recyclage du Plastique : entre opportunités et débat
18 mai 2025

La première question que l’on peut se poser, c’est Comment recycler le plastique ? Plusieurs procédés existent, et peuvent être considérés comme des opportunités au vu des quantités de plastique générées ces 50 dernières années. Mais ils font débat.
Le projet Eastman en Normandie, géant du recyclage chimique, ou mirage industriel ?
Vous avez peut-être entendu parler du projet d’Eastman à Port-Jérôme-sur-Seine, en Normandie. Le géant américain de la chimie veut y implanter l’une des plus grandes usines de recyclage chimique de déchets plastiques au monde, avec une capacité annoncée de 200 000 tonnes par an.
Présentée comme une solution miracle à la crise du plastique, l’usine fait pourtant l’objet d’inquiétudes locales et de trois recours en justice de la part d’associations environnementales. Pourquoi ce projet soulève-t-il autant de questions ? Regardons de plus près.
Une technologie débattue
Eastman mise sur la dépolymérisation par méthanolyse, une technique qui consiste à casser les chaînes de polymères PET avec un solvant (ici, le méthanol) à haute température et pression, pour récupérer les molécules de base. En théorie, cela permet de recycler des plastiques difficiles à traiter mécaniquement, comme, par exemple, les barquettes ou flacons souillés, opaques ou multicouches, les sachets, les films étirables ou encore les textiles en polyester.
Actuellement, aucune installation de cette taille n’existe dans le monde. Eastman exploite une usine pilote au Tennessee, mais elle fonctionne à une échelle bien moindre.
Le rendement matière annoncé par Eastman serait de 80 à 90 %, mais cela exclut les pertes liées aux contaminants et aux sous-produits. Il y a un manque de preuves objectives du rendement de ces techniques par rapport au recyclage mécanique et le bénéfice environnemental n’est pas établi.
Le procédé est aussi très énergivore : la méthanolyse nécessite des températures de 180 à 280 °C, avec une consommation d’énergie élevée.
Une opération au coût faramineux… financé par le contribuable
Le chantier est estimé à 2 milliards d’euros, dont une part importante provient de fonds publics français et européens : subventions, aides à l’implantation, exonérations fiscales, etc.
Le modèle économique repose donc largement sur des soutiens publics à une multinationale américaine, au détriment d’investissements dans des filières locales, plus sobres et génératrices d’emplois non délocalisables.
Des déchets importés et une fausse circularité
Pour garantir sa rentabilité, l’usine doit traiter un maximum de plastique. Donc pas seulement ceux des ménages, mais aussi ceux générés par les industriels qu’on pourrait plutôt réduire à la source. Il est même prévu le traitement de déchets plastiques importés. On est donc loin d’une logique territoriale et circulaire.
Le projet entretient donc la surproduction de plastique, qui continue d’augmenter : +3,5 % /an en moyenne depuis 2010.
Des impacts environnementaux massifs
Le projet implique :
L’artificialisation de 38 hectares de terres agricoles et la destruction de 30 hectares de zones humides, essentielles pour la biodiversité et la gestion des crues ;
Une augmentation des émissions de particules fines, de microplastiques et de composés organiques volatils, préoccupante pour la santé des riverains et la qualité de l’air ;
Une forte consommation d’eau et d’énergie, peu compatibles avec les objectifs de sobriété énergétique.
Et quelles alternatives alors ?
Il existe des solutions plus sobres, déjà disponibles, et réellement circulaires (pourquoi recycler ? ce n’est pas toujours nécessaire) :
Prévention : réduire à la source la production de plastiques à usage unique (emballages, objets jetables, sur-emballages) ;
Réemploi : développer des systèmes de consigne et de contenants réutilisables ;
Recyclage mécanique, en dernier recours : il est moins énergivore, mieux maîtrisé, et plus facile à intégrer dans une économie de proximité.
Un débat essentiel pour l’avenir du traitement des déchets
Il faut être ouvert au progrès, mais tout en posant les bonnes questions : veut-on vraiment parier sur une filière industrielle coûteuse, énergivore à l’efficacité limitée, plutôt que sur des solutions déjà éprouvées, bien plus compatibles avec les limites planétaires ?
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